La fin de la « Loi Beckham » en Espagne
Depuis 2004 existe un système fiscal particulièrement avantageux en Espagne, baptisé du nom « Loi Beckham » en référence au premier joueur de football étranger à en avoir bénéficié.
Pour faire simple, il s’agit d’un taux d’imposition sur les revenus qui est plus faible que le commun des mortels… pour les gros salaires !
C’est le gouvernement Aznar, en 2003, qui avait fait voter cette loi au moment de la venue de Beckham au Real Madrid, dans le but avoué d'attirer les grands joueurs étrangers (Aznar était copain comme cochon avec Florentino Perez - 1ère époque, au passage).
Ainsi, les salariés (pas seulement les footballeurs) non résidents, qui vivent en Espagne depuis moins de 6 ans et qui gagnent plus de 600.000 € par an, ne paient pas plus de 24% d'impôt sur le revenu pendant 6 ans. Un salarié "normal" et espagnol, dans la même tranche est quant à lui imposé à 43%.
C'est d'ailleurs un peu le même système en France, avec une autre "niche fiscale", la prime d'impatriation pour ceux qui reviennent travailler au pays après 5 ans passés à l'étranger : schématiquement, la différence est exonérée d’impôt.
En cette période de crise économique, et face aux pressions des joueurs espagnols eux-mêmes, le gouvernement actuel a décidé d’abolir cette loi, au nom de la « justice fiscale ».
Evidemment, un peu comme en France pour la suppression du Droit à l’Image Collective (DIC), il y a eu une levée de boucliers de la part des clubs. En effet, ce sont généralement eux qui paient les impôts de leurs joueurs. La Ligue du Football Professionnel Espagnole (LFP) a même brandi une menace de grève.
Le vice-président de la LFP, Javier Tebas, s’était même permis, au milieu des arguments économiques plus légitimes les uns que les autres, de préciser : « Dans deux ou trois ans, la Liga, en ce moment un des meilleurs championnats du monde, deviendra vulgaire et ne pourra plus attirer les grandes figures du foot ». Les pays voisins de l’Espagne apprécieront…
Plus mesuré, Joan Laporta, le président du FC Barcelone, s’est contenté de rappeler « l’énorme préjudice que cela peut causer à la capacité compétitive du club ». On a de la classe ou on en a pas !...
Le fait est que, contrairement aux responsables politiques français qui ont préféré faire du populisme et "surfer" sur le courant d’indignation soulevé par les salaires mirobolants des footballeurs, de l’autre côté des Pyrénées le gouvernement espagnol s’est rendu compte de la perte de compétitivité que cette mesure causerait aux clubs espagnols !
Aussi, la suppression s’est-elle transformée en « réformette », et, au 1er janvier 2010, seuls les nouveaux contrats seront soumis à cette réforme ! Il n’y aura donc aucun effet rétroactif, et les étrangers de la Liga qui touchent actuellement plus de 600.000 € par moins pourront continuer à ne payer que 24% d’impôt sur leurs revenus…
Inutile de crier au scandale, cette tranche ne concerne en fait que 5 joueurs : Cristiano Ronaldo, Lionel Messi, Zlatan Ibrahimovic, Kaka et Thierry Henry !
Quant aux nouveaux arrivants dans l’Eldorado espagnol, ils seront soumis au même impôt que Monsieur Tout-le-Monde, c'est-à-dire 43% pour cette tranche de revenus.
De toutes façons, aussi bien pour la France avec le DIC que pour l’Espagne avec la « loi Beckham », il s’est agit, dans les faits, d’une attaque en règle contre les clubs, et non contre les joueurs eux-mêmes. La seule différence, vu que les enjeux sont certes moins importants (5 joueurs concernés…), c’est que les autorités espagnoles sont revenus à plus de mesure et ont bien compris qu’un club de football de très haut niveau, cela ne courrait pas les rues, et que, plutôt que de parler de niche fiscale, il était plus raisonnable de parler de compétitivité sportive, et donc économique.
Car en plein débat sur le DIC, qui, en France, a envisagé ce que rapportait, pour la collectivité, en termes sociaux et économiques, un club de football ?...
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